Vous avez tous lu,
bien sûr, ces histoires de « villes
fantômes » en
Chine, immenses, construites à grands frais et où personne n’habite. Info ou
intox ? Contre-enquête.
L’exode rural se
poursuit ici : ce sont vingt à vingt-cinq millions de péquenots par an qu’il
faut loger. Les grandes villes existantes, malgré la mise en service de
millions de mètres carrés par an, craquent de partout. Des quartiers entiers
sortent quotidiennement de terre, sans parvenir à endiguer l’afflux de
nouveaux-venus qui gonfle à proportion. De partout, on voit des chantiers. Des
immeubles, qui hier encore abritaient des bureaux modernes, sont déjà éventrés,
on y voit encore les signes d’une occupation récente et pourtant ils sont
promis au remplacement : plus haut, plus grand, plus serré ! Ce n’est pas le
tout d’ajouter des mètres carrés habitables : plus d’habitants c’est plus de
bagnoles, plus de monde dans le métro, plus de gens dans les parcs le dimanche,
etc, etc. Au-delà de dix ou quinze millions d’habitants, vous pouvez dire et
faire ce que vous voulez, la ville devient folle. La durée des trajets mange la
journée de travail, la pollution devient infernale, les campements insalubres
se nichent de partout, la pauvreté et la crasse du moyen-âge reprennent le
dessus. Allez voir à Sao Paolo ou à Mumbai si je vous raconte des histoires.
Pas de ça chez nous, disent les dirigeants chinois : notre objectif est
l’ultra-modernité !
Alors ce n’est plus
par quartiers, mais par villes entières qu’ils y vont. Shenzhen n’était qu’un
projet pilote : désormais la recette Shenzhen s’applique dans l’ouest, au sud,
au nord de la Chine, partout où on trouve la place, pour essayer de détourner
vers les régions sous-peuplées l’excédent d’habitants de la côte et des
mégalopoles. D’où ces villes en préparation. Villes-fantôme, dans le
langage sensationnaliste et systématiquement sinophobe de la presse
internationale. Qu’en dit la presse chinoise ? Cet article daté de juillet 2010
paru dans le Quotidien du peuple (人民日报) estime à 65 millions le nombre d’appartements inoccupés dans le pays,
c’est-à-dire de quoi héberger 200 millions de personnes. Le vice-premier
ministre d'alors Li Keqiang explicite cette approche : « les villes nouvelles
d’1 million d’habitants permettront de réduire le gaspillage de terrains agricoles
dû à l’urbanisation périphérique et aussi d’enrayer la « maladie des
mégalopoles » comme à Shanghai ou Pékin (il fait surtout référence à
l’explosion du prix du m² que les dirigeants chinois veulent faire baisser par
tous les moyens). Villes de demain, parce qu’il faudra bien loger tout ce
monde.
Tenez, je vous
invite à en visiter une, qui est particulièrement chère à notre cœur : c’est
une réplique de Paris ! Sur le web français, évidemment, le ton est à l’ironie et au soupçon : une
réplique de Paris ? Mais qu’elle est moche ! Le vrai Paris est beaucoup mieux !
Pourquoi construire un faux Paris en Chine ? Evidemment « pour retenir les touristes
et garder chez soi les devises » ! Il m’a fallu aller faire un tour sur
l’internet chinois pour avoir le fin mot de l’affaire.
Figurez-vous que cette
ville, aimablement baptisée 天都城 (Capitale céleste), est en construction depuis 2007 et doit être mise en
service en 2015. Pourquoi répliquer Paris ? Diable : ces villes-projets sont
des projets immobiliers comme d’autres, il faut bien se distinguer un peu pour
attirer les clients. Un autre projet imite Venise, un troisième s’inspirera de
Berlin ou de New York… Les villes de demain veulent ressembler à leurs plus
glorieuses aïeules.
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